Sermon du dimanche de la Croix

Homélie de la Croix
Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit,

Quand nous parlons de mort et de résurrection, cela nous parait très souvent très flou, abstrait et tout à fait obscur. Ce mystère se présente à nous comme une énigme, alors même que s’y joue tout notre devenir. Et les élans de notre foi viennent battre et parfois se briser contre lui.

Aujourd’hui l’Église nous demande de saisir que la Croix est ce mystère
même, implanté dans nos coeurs et que, cette Croix, il nous faut la saisir à pleines mains. Oui, la Croix est le cœur de notre vie. Nous le savons bien. Certains diraient nous ne le savons que trop. Il y a dans la vie de chacun des moments d’épreuve qui peuvent avoir été tragiques. Et rien ne dit que nous ne sommes pas encore appelés à en connaître. Des épreuves dont nous pouvons dire, à peine sans exagérer, qu’elles furent ou qu’elles sont excruciantes. Des épreuves qui laissent des cicatrices douloureuses. Si nous nous refermons sur nous-mêmes, si nous nous enfermons dans ces douleurs, alors nous atteignons le seuil de l’intolérable. Ces souffrances viennent du monde. Et dans le mot monde, il y a nos propres passions, nos propres défauts, nos propres injustices. Mais cela n’est pas, n’a jamais été ce que Dieu veut pour nous.

Dieu veut notre bonheur. Dieu veut des hommes vivants. Et, puisque notre vie est entachée de malheurs et de souffrances, et en fin de compte engloutie par la mort, Dieu veut nous sauver de cette faillite de l’existence.

Par la Croix précisément. Jésus est venu dans le monde pour mourir. Jésus a choisi la Croix pour partager, comme homme et comme Dieu, notre mort. Par cette Croix – Sa Croix – Jésus a fait passer notre nature humaine de la mort à la résurrection, de la mort à la vie éternelle. Cela, Jésus l’a accompli une fois pour toutes, il y a près deux mille ans, à Jérusalem, sur le Golgotha.

Mais c’est de toute éternité que Jésus a pris sur Lui nos peurs, nos angoisses et notre mort, et qu’Il a voulu nous entraîner dans sa propre Résurrection. Dès l’origine, dès avant la création, Jésus en Dieu est l’Agneau
immolé. De toute éternité Jésus est crucifié pour nous, à cause de nous. De toute éternité Dieu a voulu, par amour pur, non seulement nous amener à l’être, mais nous faire partager sa vie au prix de sa propre mort.

Pour cela, Dieu nous a créés comme co-créateurs de sa création. Dieu nous a créés pour nous associer à son oeuvre de vie. Dieu nous a créés pour que nous combattions avec Lui l’oeuvre du mal. Dieu nous a créés pour l’accompagner dans sa Pâque rédemptrice. Dieu nous a créés pour partager sa Croix et qu’elle devienne notre Croix. Dieu nous a créés pour qu’entrés avec Lui dans la mort nous soyons avec Lui dans la vie des siècles.

Certes, ce passage pascal culminera en nous dans l’angoisse ultime de notre mort corporelle, où il faudra bien nous engager un jour. Mais nous savons maintenant que Jésus nous y a précédés, précédés de toute éternité, pour être Lui-même, à ce moment- là, auprès de chacun de nous. À ce moment-là, la Croix du Christ sera là pour nous accueillir. À condition que nous l’ayons au préalable accueillie tout au long de notre vie. À condition que notre mort soit le couronnement de notre vie. Il faudrait que nous puissions nous aussi, oser dire en ce jour-là ” tout est accompli “. Pour qu’alors le passage de notre vie à la mort soit transfiguré en passage de la mort à la vie.

Il peut en être ainsi. Notre mort peut être la porte qui ouvre sur la vie
éternelle. Pour autant qu’auparavant notre vie en ce monde ait été une constante mise à mort de nous-mêmes en tant qu’hommes pécheurs, en tant qu’ici -bas nous avons partie liée avec les forces mauvaises du monde. C’est donc dès maintenant, en ce jour-ci, qu’il faut saisir à pleines mains la Croix du Christ pour suivre et servir le Christ jusqu’au Golgotha, jusqu’à la porte de la vie éternelle.

Jésus nous appelle à une vie quotidienne de mort et de résurrection, à une
vie sacrificielle de tous les instants. Dès aujourd’hui Jésus nous appelle à nous associer à Lui dans l’accomplissement de sa Pâque pour qu’elle soit notre Pâque. En toute circonstance, dit Saint Paul, il faut rendre grâce au Seigneur. Ici, rendre grâce, c’est nous décider à tout moment pour Jésus, et presque toujours contre nous. Car il y a toujours sacrifice. Et si le sacrifice n’est pas fait dans la joie, c’est que Dieu n’est pas avec nous. S’il est fait dans la joie, c’est qu’il y a déjà en nous une force qui transfigure nos douleurs. S’il est fait dans la joie, c’est qu’il y a déjà en nous une puissance qui transcende les déchirures de l’être et qui annihile les puissances de mort. Cette force, cette puissance, c’est Quelqu’un, c’est l’Esprit de Dieu en nous, c’est le Christ ressuscité qui vit en nous, c’est le Christ Vivant et agissant qui nous saisit et nous entraîne déjà avec Lui. C’est la force et la puissance de la Croix présente en nous et dans le monde. La Croix est l’Arbre de Vie planté dans nos cœurs, pour qu’à chaque épreuve que nous assumons dans le Christ, nous entrions déjà dans la Résurrection du Christ. Avec la Croix la Résurrection n’est pas après la mort. Elle est notre aujourd’hui; elle est l’aujourd’hui de Dieu en nous et dans le monde. Elle est la Pâque du monde.

AMEN.