Fête patronale de la paroisse de Bordeaux

Mes Bien Chers Frères d’Aquitaine,

     Dieu est admirable dans toutes ses œuvres, parce qu’elles sont toutes marquées au coin de sa sagesse et empreintes du sceau de sa puissance. Cependant  parmi les ouvrages divins il y a de la variété, tous ne sollicitent pas au même degré notre admiration. Où trouverons-nous ceux qui sont les plus dignes ? Quels sont les plus admirables chefs-d’œuvre de Dieu ? Il nous l’indique lui-même: ce sont les saints; c’est en eux qu’il veut être surtout admiré.

Et ce sont ces saints que je viens en ce moment proposer à votre admiration, les protecteurs de cette paroisse. D’abord le premier évêque de Limoges Saint MARTIAL, célèbre apôtre du Limousin et un des sept missionnaires envoyés de Rome pour évangéliser la Gaule, né au ciel en 250, et qui convertit Sainte VALÉRIE, elle-même décapitée. Le second, compagnon de St Denys de Paris, EUTROPE, fut premier évêque de Saintes et martyrisé, en même temps que Sainte ESTELLE, à la fin du premier siècle. Ils sont les protecteurs de votre église d’Aquitaine.

   Trois qualités ont surtout le privilège d’imposer à l’homme l’admiration : la sagesse, le courage, la bonté. Sur le front de celui qui les possède, elles font briller comme le reflet d’une grandeur divine qui commande le respect. Nul, qu’il soit barbare ou civilisé, que le flambeau de la foi éclaire son intelligence ou que la raison seule le dirige, ne saurait lui refuser le tribut de son admiration. L’humanité a toujours admiré les sages, les héros, les bienfaiteurs des peuples. Eh bien ! les saints que l’Église propose à notre admiration, en sont dignes, parce qu’ils ont été de vrais sages, des héros sublimes, d’insignes bienfaiteurs.

     Qu’est-ce que le sage ? C’est celui qui, appréciant toutes choses à leur juste valeur, donne à chacune dans son estime et ses affections, la place qu’elle doit avoir. Ce n’est pas lui qui fera passer l’accessoire avant le principal ou préfèrera le brillant au solide. Les épreuves les plus violentes le laisseront calme et fidèle. L’oreille ouverte à la voix de la conscience, il poursuivra, sans se laisser arrêter ni détourner par rien de négatif.

     N’avez-vous pas reconnu dans ce portrait du vrai sage la figure de nos saints Martial et Eutrope, de nos saintes Valérie et Estelle ? Ils ont compris la parole du Maître, la parole de la Sagesse incréée : À quoi sert-il à l’homme de gagner l’univers, s’il vient à perdre son âme ? À la lumière de ce principe, ils ont jugé et apprécié toutes choses.

    Ils étaient sages nos saints, ils sacrifiaient le temps des mondanités pour gagner l’Éternité. Qui n’admirerait cette sagesse, cette prudence, cette habileté de nos saints ?

Combien, à côté d’eux, sont petits les sages que l’antiquité païenne a pu nous léguer, Socrate qui ment à sa conscience en sacrifiant à des dieux qu’il méprise et Caton qui se donne la mort parce qu’il ne peut porter le fardeau de la vie !

     Nos saints sont des sages, ils sont aussi des héros. Nous admirons, et c’est justice, le soldat qui se dévoue pour son pays, et le brave qui, au péril de ses jours, va arracher un malheureux à une mort certaine. L’héroïsme est toujours l’indice de la grandeur; il n’y a que les grandes âmes qui sachent se sacrifier. Mais l’héroïsme se trouve-il seulement dans ces actions d’éclat ? N’en faut-il pas aussi pour des combats moins brillants, des dévouements plus obscurs ?

     Se vaincre soi-même, être roi de son propre cœur, pardonner aux hommes leurs injustices, à la fortune ses disgrâces, mépriser les honneurs que l’ambition recherche, aimer la vérité, d’une modération constante parmi les accidents divers dont cette vie est agitée, vivre et mourir sans bruit et passer sur terre en faisant le bien, même à ses ennemis, comment donc nommerez-vous cette sorte de courage, si ce n’est de l’héroïsme ? Ne faut-il pas avoir une âme fortement trempée pour résister non pas un instant aux passions et en triompher ?

     Il me reste, mes biens chers frères, à vous faire remarquer une autre qualité dans les saints. Bien que le premier sentiment qu’elle produit dans le cœur soit l’affection et la reconnaissance, cependant elle a droit d’obtenir et obtient de l’esprit une véritable et juste admiration.

Je veux parler de la bonté, de la bienfaisance portée jusqu’au dévouement. Par qui la religion chrétienne, fondée par Jésus-Christ, s’est-elle conservée, propagée, cette religion à qui la société doit et la justice dans les lois, et l’humanité dans les mœurs, et la bienfaisance dans les institutions ? Par qui ? Par les Saints… Comme l’individu, la société ne vit pas seulement du pain matériel; il lui faut la vérité, la vertu et le bien; si vous lui enlevez ce pain spirituel, si vous le lui faites rare, elle souffrira, dépérira, mourra bientôt; l’histoire est là qui l’atteste et c’est ce que nous vivons en permanence de nos jours.

     Il est bien vrai, mon Dieu, vous êtes admirable dans vos saints et saintes, vous les avez faits prodigieusement grands par l’amour, par le courage, par la bonté.

    Honneur à ces hommes et femmes, la vraie gloire de l’humanité, riches et grands en vertus, puissants en œuvres et en paroles, maîtres d’eux-mêmes et vainqueurs de leurs passions, hommes et femmes de charité dont les miséricordes subsisteront à jamais.

     Mais ne nous bornons pas, mes bien chers frères, à admirer ces modèles si beaux et si parfaits; imitons les saints à notre mesure, simplement. Comme eux, soyons sages; courageux: ne nous laissons arrêter par rien dans l’accomplissement du devoir; bienfaisants : dévouons-nous et nous arriverons où nos louanges vont les trouver aujourd’hui, non sur cette terre desséchée d’iniquités et d’égoïsmes, en faisant le bien simplement autour de nous, nous trouverons le vrai bonheur qui nous accompagnera dans l’éternité.  Amen

Tropaires

Vous qui des apôtres avez partagé le genre de vie et des pays d’Aquitaine, MARTIAL et EUTROPE sages-en-Dieu. Priez le Maître universel, d’affermir tous les peuples des Gaules dans la concorde et la vraie foi, de faire au monde le don de la Paix et d’accorder à nos âmes le salut.

Nobles vierges ESTELLE et VALÉRIE, victorieuses dans les combats. Vous avez comblé de joie les orthodoxes et confondu les païens. C’est pourquoi vous répandez les guérisons et vous intercédez pour nos âmes.

Consécration de l’église le 28 mars 1999 par son Excellence Mgr Luka
(Liturgie télévisée)