Dimanche du Paralytique

Textes du Pentecostaire
Stichères du Paralytique ‒ ton 1

Ô Christ qui de ta main très-pure avais façonné le corps humain, * tu es venu guérir les malades, en ta bonté ; * et par ton verbe tu fis lever * le Paralytique à la piscine des Brebis ; * de l’Hémorroïsse tu apaisas la douleur, * de la Cananéenne tu guéris la fille tourmentée ; * tu n’as pas rejeté la prière du Centurion ; * aussi nous te crions : * Seigneur tout-puissant, gloire à toi. (bis)

Tel un cadavre vivant, * le Paralytique, te voyant, s’écria : * Aie pitié de moi, Seigneur, * car ma couche est devenue mon tombeau. * Que me rapporte la vie, * à quoi me sert la piscine des Brebis ? * Je n’ai personne pour m’y plonger * quand les eaux se mettent à bouillonner ; * mais je viens à toi, la Source des guérisons, * afin de crier avec tous : * Seigneur tout-puissant, gloire à toi.

Gloire au Père… Maintenant… Amen  t, 5

Jésus monta à Jérusalem, à la piscine des Brebis, * qui s’appelle en hébreu Béthesda : * en ses portiques, de nombreux malades étaient couchés ; * par intervalles, un Ange de Dieu descendait, * il la mettait en mouvement * et rendait force aux fidèles qui s’y plongeaient. * Or le Christ, voyant un homme malade depuis longtemps, * lui demanda : Veux-tu guérir ? * Le malade répondit : Je n’ai personne, Seigneur, * pour me plonger dans la piscine lorsque bouillonnent les eaux ; * j’ai dépensé tout mon avoir auprès des médecins * et je n’ai pas réussi à susciter leur pitié. * Mais le Médecin des âmes et des corps * lui dit : Prends ton grabat * et marche pour annoncer au monde entier * ma puissance et la grâce du salut.

Synaxaire

Ce même jour, quatrième dimanche de Pâques, nous faisons mémoire du Paralytique et célébrons un tel miracle comme il se doit. À la piscine Probatique le Christ, en sage médecin, a guéri le Paralytique par son seul verbe souverain.

Ce miracle a été placé ici parce que le Christ l’a fait au temps des Cinquante Jours, la Pentecôte hébraïque. Monté à Jérusalem pour la fête, il se rendit à la Piscine aux cinq portiques, édifiée par Salomon et appelée également Piscine Probatique, parce que c’est là qu’on lavait les entrailles des brebis immolées en sacrifice dans le Temple. C’est là aussi que se trouvait guéri le premier qui entrait lorsque l’eau était agitée par l’Ange une fois l’an, le Christ trouve donc là un homme de trente-huit ans, qui gît dans l’attente que quelqu’un le mette à l’eau. Par là nous apprenons quel bien sont l’endurance et la patience. Et, puisqu’il devait nous donner un baptême capable de laver toute faute, Dieu a montré dans l’Ancienne Alliance que des miracles pouvaient être produits par l’eau, afin que, lorsque viendrait le Baptême, on fût enclin à le recevoir. Jésus s’approche donc de ce Paralytique, appelé Jaros ou de quelque nom approchant, et l’interroge. Celui-ci lui expose le fait qu’il n’a personne pour l’aider. Et Jésus, sachant à quel point cet homme est consumé par l’infirmité, lui dit : « Prends ton grabat et marches.» Aussitôt il recouvre la santé et, prenant sa couche sur ses épaules, afin que cela ne paraisse pas une illusion, il marche jusque chez lui. Mais comme c’est le sabbat, les Juifs l’empêchent de faire cette marche. Lui, il se retranche derrière celui qui l’a guéri, puisqu’il lut a dit de marcher un jour de sabbat ; toutefois il ne sait pas qui il est. Car Jésus, dit l’Évangile, avait disparu dans la foule qui se pressait en ce lieu. Plus tard, Jésus le trouva dans le Temple et lui dit : « Te voilà guéri, ne pèche plus désormais, de peur qu’il ne t’arrive plus grande infirmité ! »

Il faut savoir que ce paralytique est différent de celui qui nous est présenté en Matthieu, car cela se passe à l’intérieur, qu’il y a des gens pour l’aider et que Jésus lui dit seulement : « Tes péchés te sont remis ! » Le miracle qui nous occupe s’accomplit au Portique de Salomon, et l’infirme n’a personne pour l’aider, comme dit le saint Évangile. Dans les deux cas cependant il porte son grabat. La guérison est fêtée à ce moment parce qu’elle a été opérée durant la période des Cinquante Jours, de même que la conversion de la Samaritaine et la guérison de l’Aveugle. Thomas et les Myrrhophores, nous les fêtons pour confirmer la Résurrection du Christ d’entre les morts ; les autres événements, jusqu’à l’Ascension, sont là parce qu’ils se sont produits à diverses occasions durant le temps des Cinquante Jours, la Pentecôte hébraïque ; et parce que Jean les mentionne à peu près dans cet ordre. En ta miséricorde infinie, Christ notre Dieu, aie pitié de nous et sauve-nous. Amen.

Lecture des actes des Apôtres
(Ac IX,32-42)

En ces jours-là, comme Pierre visitait tous les saints, il descendit aussi chez ceux qui demeuraient à Lydda. Il y trouva un homme nommé Énée, couché sur un grabat depuis huit ans, et paralytique. Pierre lui dit : « Énée, Jésus Christ te guérit. Lève-toi, et arrange ton grabat ». Et aussitôt il se leva. Tous les habitants de Lydda et de la plaine du Saron, ayant vu celà, se convertirent au Seigneur.
Il y avait à Joppé, parmi les disciples, une femme nommée Tabitha, ce qui se traduit par Dorcas : elle faisait beaucoup de bonnes œuvres et d’aumônes. Or, en ce temps-là, elle tomba malade et mourut. Après l’avoir lavée, on la déposa dans une chambre haute. Comme Lydda est près de Joppé, les disciples, ayant appris que Pierre s’y trouvait, envoyèrent deux hommes vers lui, pour le prier de venir chez eux sans tarder. Pierre se leva, et partit avec ces hommes. Lorsqu’il fut arrivé, on le conduisit dans la chambre haute. Toutes les veuves l’entourèrent en pleurant, et lui montrèrent les tuniques et les vêtements que faisait Dorcas pendant qu’elle était avec elles. Pierre fit sortir tout le monde, se mit à genoux, et pria ; puis, se tournant vers le corps, il dit : « Tabitha, lève-toi ! » Elle ouvrit les yeux, et ayant vu Pierre, elle s’assit. Il lui donna la main, et la fit lever. Il appela ensuite les saints et les veuves, et la leur présenta vivante. Cela fut connu de tout Joppé, et beaucoup crurent au Seigneur.

Lecture de l’Évangile selon Saint Jean
(Jn V,1-15)

En ce temps-là, à l’occasion d’une fête juive, Jésus monta à Jérusalem. Or, à Jérusalem, près de la porte des brebis, il y a une piscine qui s’appelle en hébreu Bethesda, et qui a cinq portiques. Sous ces portiques étaient couchés en grand nombre des malades, des aveugles, des boiteux, des paralytiques, qui attendaient le mouvement de l’eau ; car un ange descendait de temps en temps dans la piscine, et agitait l’eau, et celui qui y descendait le premier après que l’eau avait été agitée était guéri, quelle que fût sa maladie. Il y avait là un homme malade depuis trente-huit ans. Jésus, l’ayant vu couché, et sachant qu’il était malade depuis longtemps, lui dit : « Veux-tu être guéri ? » Le malade lui répondit : « Seigneur, je n’ai personne pour me jeter dans la piscine quand l’eau est agitée, et, pendant que j’y vais, un autre descend avant moi ». « Lève-toi, lui dit Jésus, prends ton grabat, et marche » . Aussitôt cet homme fut guéri ; il prit son grabat, et marcha. C’était un jour de sabbat. Les Juifs dirent donc à celui qui avait été guéri : « C’est le sabbat ; il ne t’est pas permis de porter ton grabat. » Il leur répondit : « Celui qui m’a guéri m’a dit : Prends ton grabat, et marche ». Ils lui demandèrent : « Qui est l’homme qui t’a dit : Prends ton grabat, et marche ? » Mais celui qui avait été guéri ne savait pas qui c’était, car Jésus avait disparu de la foule qui était en ce lieu.
Plus tard, Jésus le trouva dans le temple, et lui dit : « Voici, tu as été guéri ; ne pèche plus, de peur qu’il ne t’arrive quelque chose de pire. » Cet homme s’en alla, et annonça aux Juifs que c’était Jésus qui l’avait guéri.

Homélie *

Le passage de l’Évangile que nous venons d’entendre s’accorde parfaitement avec le temps pascal que nous sommes en train de vivre ; outre les résonances baptismales qui y sont clairement évoquées nous assistons là à un évènement purement “résurrectionnel”.

Commentant cette péricope, saint Jean Chrysostome [2] nous parle de la guérison liée au baptême en ces termes :

Qu’est-ce que ce mode de guérison ? Il y a là un mystère : on nous décrit comme en figure les choses de l’avenir. Le baptême, qui devait être donné plus tard, ce baptême qui lave toutes les souillures et fait revivre les morts, est évoqué par l’image de la piscine.
Dieu a donné d’abord l’eau, qui lave les souillures du corps ; et dans l’ancienne Loi beaucoup de purifications se faisaient par l’eau. Pour nous faire approcher davantage du baptême, l’eau ici lave même les maladies ; et c’est un ange qui descend mettre l’eau en mouvement et lui donne la vertu de guérir, pour faire comprendre que le Seigneur des Anges pourra mieux encore guérir les maladies de l’âme. Car ce n’est pas par une vertu naturelle que cette eau guérissait ; mais elle guérissait par l’intervention de l’ange.

De même pour nous dans le baptême : l’eau enlève les péchés après qu’elle a reçu la grâce de l’Esprit.
Une multitude d’infirmes gisaient là ; mais leur infirmité même les empêchait d’entrer dans l’eau pour être guéris. À présent, chacun peut approcher et nous ne pouvons plus dire ‘un autre descend avant moi’ ; car même si le monde entier venait, la grâce ne serait pas épuisée.

Le Christ aurait pu ne pas aller à Béthesda car en ce lieu la religion était souvent mêlée de magie et l’on y vénérait autant Yahvé que le dieu grec de la guérison. Or Jésus a tenu justement à témoigner de la miséricorde de Dieu au bord de cette piscine où les malheureux, pour garder espoir, se contentaient d’un amalgame de croyances et de superstitions.

Une fois encore, c’est Jésus qui prend l’initiative de la rencontre ; non seulement l’homme ne demandait rien, mais il s’en retournera guéri sans même – dans un premier temps – avoir su le nom de son guérisseur.

« Veux-tu être guéri ? » demande le Christ ; et, comme c’est souvent le cas dans l’Évangile de saint Jean, l’homme se méprend d’abord sur ces paroles. Pour lui, “être guéri” supposerait une triple chance : D’abord que l’eau bouillonne, puis, qu’il soit présent à ce moment là et enfin qu’il trouve quelqu’un pour le plonger dans l’eau. « Guérir n’est pas pour moi » pense l’homme, et pourtant il revient depuis des années sans se résigner, sans se décourager, sans renoncer à l’espérance.

Le “Veux-tu être guéri” nous est aussi adressé par le Christ ; et nous devons comprendre par là « Veux-tu que je te guérisse, tout de suite et chaque jour ? ». Si le Christ nous guérit alors ce n’est plus une question de chance, mais c’est une question de foi, et il nous suffit d’obéir aux trois ordres donnés : “Lève-toi !”, “Prends ton grabat !” et “Marche !”.

« Lève-toi ! » nous dit le Seigneur… Alors qu’il serait si facile d’entrer dans la tentation de se faire porter par nos semblables, d’imposer aux autres le poids de nos misères et de notre inertie ! Ne succombons pas à la facilité de nous installer dans nos paralysies spirituelles ! C’est pour nous tout un programme de vie : il nous faut quitter le grabat, signe de la paralysie, de l’impuissance et de la dépendance, pour accepter de vivre debout, vulnérables, certes, mais restaurés dans notre autonomie et notre dignité d’êtres libres.

« Prendre son grabat » c’est avoir la certitude de sa guérison. Tout comme le paralytique nous n’aurons plus à revenir auprès de la piscine, nous n’aurons plus à en vouloir à notre prochain de n’avoir pas été là au bon moment. Renonçons à nous faire porter, ne laissons aucune trace de notre infirmité dans notre entourage !

Et donc « marchons ! »
Mettons en œuvre la nouvelle liberté, la nouvelle santé spirituelle que le Christ nous donne. Marchons et témoignons que Dieu opère des miracles dans notre quotidien – même le jour du Sabbat ! – Lui qui non seulement nous donne la vie mais nous accueille dans la Vie Éternelle.

L’infirmité et le grabat du paralytique nous évoquent bien évidemment la Croix et le Tombeau du Christ, en tant que lieu ou objet de souffrance et d’immobilité, mais ils sont garants d’une nouvelle vie, ils sont garants de la Résurrection.

N’ayons donc pas peur quand surviendront toutes ces petites morts physiques et spirituelles qui font immanquablement partie de notre condition humaine ! Pour autant que notre cœur soit tout écoute à Dieu, elles ne seront que tremplins et occasions de rencontre avec le Seigneur, nous préparant ainsi d’ores et déjà à la communion plénière avec Lui dans un face à face éternel.

Pour être guéris par le Christ sur la route de notre propre Exode ; pour être des témoins vivants de Sa résurrection ; il nous suffit de faire, avec la force qu’Il donne à ceux qui la Lui demandent, ces trois choses toutes simples que nous avons trop tendance à croire impossibles : Nous lever à Son appel, emporter, une bonne fois pour toutes, les tristesses de notre passé,

Marcher avec la certitude d’être aimés par Celui qui s’est fait homme pour nous sauver !

Amen !

Notes
*  Homélie prononcée par Père Élisée le 14 mai 2006 à la crypte

[2] Dans sa 36e homélie sur l’évangile selon saint Jean

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