Déclaration commune publiée par le Patriarcat orthodoxe serbe et le Patriarcat grec-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient

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Déclaration commune publiée par le Patriarcat orthodoxe serbe et le Patriarcat grec-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient
Déclaration commune publiée par le Patriarcat orthodoxe serbe et le Patriarcat grec-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient

“Lors de la visite irénique et officielle de Sa Béatitude Jean X d’Antioche et de tout l’Orient à l’Église orthodoxe serbe, entre le 11 et le 19 octobre 2018, un communiqué commun a été publié le 19 octobre.

Cette visite historique, qui est la première depuis la visite du patriarche d’Antioche Théodose IV (Abou Rjaili) à Belgrade, intervient dans le contexte de la situation difficile et douloureuse que connaît l’Église orthodoxe d’Antioche en Syrie, au Liban et le Moyen-Orient, mais aussi, dans le contexte de la crise que vit l’Église orthodoxe universelle aujourd’hui, où les développements qui se succèdent d’une manière soucieuse s’accélèrent et présagent de retombées négatives sur le lien de communion, de paix et d’unité entre les frères.

1. La visite a été une importante occasion fraternelle de rencontre des frères, où les Églises d’Antioche et de Serbie se sont enlacées. Elle dut une occasion de discussion sur différents sujets qui constituent un facteur commun du témoignage et du service des deux Églises dans le « monde en crise » d’aujourd’hui, et sur les nécessités de consolider les processus de concertation et d’entente entre les Églises orthodoxes locales et autocéphales.

2. Les discussions ont été animées entre les deux Églises par esprit très élevé de fraternité, d’amour, de paix, et de transparence ecclésiale. Les échanges se sont ainsi fondés sur les véritables critères ecclésiaux, dénués de tout unilatéralisme et de recherche d’intérêt, ce qui a permis aux deux délégations, serbe et antiochienne, de s’entendre avec harmonie sur les différents dossiers évoqués. Les deux délégations, serbe et antiochienne, ont ainsi passé en revue les facteurs de similitude dans les expériences historiques respectives de leurs deux Églises, de telle manière qu’elles ont pu constater que chacune d’elles est à la fois une Église « témoin » et une Église « martyre », qui continue à témoigner, en dépit des difficultés et des épreuves, pour la vérité et pour le Christ, dans sa société d’origine et dans le monde. Les échanges ont évoqué les domaines théologiques, académiques, culturels, etc. où la coopération entre les deux Églises peut et doit être activée. A été affirmée de même, la prochaine visite irénique que doit effectuer Sa Béatitude le patriarche Irénée, à l’Église orthodoxe d’Antioche.

3. Les deux délégations ont passé en revue les efforts que déploient l’Église orthodoxe serbe devant les différentes instances pour la préservation de son héritage historique, spirituel et national, plus particulièrement dans le Kosovo et la Métochie, qui est considéré comme étant le foyer historique de l’Église orthodoxe serbe. Les deux délégations ont insisté sur la nécessité de soutenir ces efforts étant donné l’importance de cet héritage pour l’histoire et la conscience de l’Église orthodoxe serbe, pour son présent et son avenir et ce, à travers le respect des principes de droit de l’homme et des critères de coexistence pacifique entre les civilisations et les religions, ainsi qu’à travers le respect de l’ordre et du droit international.

4. Les deux délégations serbe et antiochienne, ont passé en revue les circonstances douloureuses et difficiles que connaît l’Église orthodoxe antiochienne en Syrie, au Liban et dans l’ensemble des États et sociétés du Moyen-Orient, qui endurent les meurtres, le terrorisme, les destructions, les déplacements forcés de population, l’émigration ainsi que toutes formes d’instabilité politique et sociétale qui portent atteinte à l’être humain, sa dignité, sa liberté et la dignité de son vécu au quotidien. Les deux délégations ont réaffirmé que la présence chrétienne antiochienne en Orient est une présence originelle, et remonte à deux mille ans d’histoire. Elles ont affirmé de même que les chrétiens ne sont pas, et ne se considèrent point, des minorités dans cette région, mais une de ses composantes historiques originelles, et de celle de ses États et de ses sociétés et constituent une partie intégrante du tissu sociétal historique du Moyen-Orient et de l’espace antiochien où ils continuent à vivre et demeurent attachés à leur terre et à leur témoignage dans cette région centrale du monde.

5. Les deux Églises, serbe et antiochienne, insistent ainsi sur l’importance d’apporter à l’Église orthodoxe apostolique d’Antioche tout le support dont elle a besoin pour aller de l’avant dans son témoignage de salut, dans la région du Moyen-Orient, et dans ses œuvres pour affirmer et consolider les chrétiens dans leurs terres, de les ériger en partenaires dans la construction de « l’État de la citoyenneté » qui assure à tous les citoyens l’égalité des droits et des obligations. Les deux Églises considèrent que la solution unique possible pour mettre fin aux tragédies de tous les États de la région du Moyen-Orient réside dans le respect de l’autre, dans l’adoption du dialogue ouvert, dans la coexistence pacifique entre toutes les composantes de cette région et dans l’égalité de tous les citoyens devant la loi, droite et obligation. Plus que jamais, l’instauration de la paix et le respect de la diversité religieuse sont deux facteurs d’importance pour que la paix puisse régner dans toutes les contrées de la région du Moyen-Orient.

6. Les deux Églises regrettent le silence marqué qui persiste autour de la question de l’enlèvement des deux métropolites d’Alep, Mgr Paul Yazigi et Mgr Jean Ibrahim, de telle manière que le monde a oublié ou fait semblant d’oublier depuis plus que cinq ans, cette cause humanitaire centrale. Les deux Églises, serbe et antiochienne, en appellent à toutes les instances locales, régionales et internationales, pour assurer un suivi étroit de cette cause afin de révéler le sort des deux évêques et œuvrer pour leur libération pour les ramener sains et sauf à leurs diocèses.

7. Les deux Églises, serbe et antiochienne, regrettent le fait qu’il n’a pas été mis fin à ce jour, d’une manière irénique et pacifique, au différend canonique qui persiste entre les deux patriarcats d’Antioche et de Jérusalem, et qui résulte de la décision du Patriarcat de Jérusalem d’élire et d’ordonner un archevêque pour le Qatar qui est une juridiction canonique historique du Patriarcat d’Antioche. Les deux Églises regrettent de même que la portée de ce différend et de ses conséquences n’ont pas été pris en comptent de la part des autres Églises orthodoxes autocéphales, différend qui persiste en dépit de l’accord qui a été conclu entre les deux patriarcats de Jérusalem et d’Antioche à l’issue de leurs discussions en juin 2013 en présence et avec la médiation du Patriarcat œcuménique et du ministère grec des affaires étrangères, accord dont les termes sont connus et documentés au dit ministère et dans les correspondances du Patriarcat œcuménique qui attestent de son existence et celle de ses termes en trois points.

8. Les deux Églises, serbe et antiochienne, expriment leur grande inquiétude devant le danger de distanciation, de division, de séparation et de schisme qui menace aujourd’hui les Églises orthodoxes autocéphales, en raison des décisions unilatérales qui menacent ici et là, par leurs conséquences négatives, les fondements du consensus ecclésial et les relations fraternelles de toutes les Églises orthodoxes autocéphales et heurtent les liens de l’unité ecclésiale entre elles, ce qui affecte le témoignage de l’orthodoxie dans le monde d’aujourd’hui. Les deux Églises considèrent que la période historique actuelle est très sensible, délicate et difficile et nécessite, aujourd’hui plus que jamais, beaucoup de sagesse, de retenue et de non-précipitation ainsi qu’une vigilance spirituelle afin de préserver le lien de la paix à l’intérieur de l’Église orthodoxe et de préserver son unité, et d’éviter qu’elle ne glisse, consciemment ou inconsciemment, dans les pièges de la politique des axes et des intérêts politiques des États, ce qui heurte et affaiblie la témoignage de l’orthodoxie dans le monde d’aujourd’hui.

Par conséquent, les deux Églises déclarent ce qui suit :

A. L’unité du monde chrétien orthodoxe et sa paix nous ont été donnés par Jésus Christ et ont été mis entre nos mains. Sur ce, les deux Églises affirment que la consolidation et l’affermissement de l’unité de l’Église orthodoxe universelle est une affaire d’une grande importance puisque l’Église est exposée, de nos jours, à des dangers et des défis que le monde d’aujourd’hui avec ses contradictions, ses divisions et ses influences existentielles et sociétales diverses qui impactent l’être humain, produit.

B. Il n’est pas possible de traduire l’unité de la foi, en une vérité sensible et en réalité, et dans un témoignage efficient qui influence positivement l’être humain du monde d’aujourd’hui, qui est affecté par les tiraillements existentiels et sociétaux, que si l’Église orthodoxe réussie à extérioriser au monde, en parole et en acte, son unité et ce, à travers des processus conciliaires de travail et de concertation, et des processus de prise de décision fondés sur l’ordre canonique traditionnel de l’Église orthodoxe et sur le consensus de toutes les Églises, quelle que soit leur taille. L’Église orthodoxe est en effet, l’Église une, sainte, catholique et apostolique, et non pas une fédération ou une confédération d’Églises, séparées les unes des autres, qui se traitent réciproquement à travers les prismes des considérations animées par l’intérêt, et qui apparaissent au monde, comme un ensemble d’Églises qui se disputent, qui se distancent l’une de l’autre, et qui sont en conflit.

C. Dans le contexte de la présence de l’Église orthodoxe sur le plan mondial, le témoignage de l’orthodoxie, nécessite plus que jamais, le déploiement de plus de transparence, de concertation et d’échange d’expérience ainsi que la conciliarité traditionnelle entre toutes les Églises orthodoxes pour tout ce qu’implique l’unification du témoignage de l’orthodoxie dans le monde d’aujourd’hui. Par conséquent, les deux Églises serbe et antiochienne, affirment le fait que l’intérêt de l’Église orthodoxe universelle, et la nécessité de préserver les liens d’unité et de communion dans la fraternité, l’amour et la paix entre toutes les Églises orthodoxes, étant donné qu’elles constituent les membres d’un seul corps, le corps du Christ, impliquent une remise en cause critique de tous les processus et décisions fondés sur l’unilatéralisme, et impliquent aussi une réactivation effective et sérieuse et méthodique, de l’esprit d’unité, de concertation, de conciliarité et le recours au principe d’unanimité dans l’approche de toutes les questions orthodoxes ecclésiales communes, en ce compris, les questions de l’octroi de l’autocéphalie, et la nécessité de prendre les décisions qui la concerne à l’unanimité, et ce en partant et en se fondant sur les critères et les principes ecclésiologiques orthodoxes et selon l’ordre canonique ecclésial.

D. Seule la conciliarité orthodoxe est le moyen efficace pour éviter que les questions conflictuelles entre les Églises orthodoxes ne se transforment en autant de facteurs de distanciation, de division et de séparation, et de schisme entre elles, ce qui porte atteinte et menace l’ensemble du corps ecclésial. Seule la bonne synodalité fondée en premier lieu sur la communion commune au même calice eucharistique, est le fondement et la substance des liens entre les Églises orthodoxes.

La situation dangereuse actuelle dans le monde orthodoxe qui résulte des évolutions en Ukraine ne peut perdurer sans qu’elle préside à la fondation d’une situation de division permanente entre tous les membres de la famille orthodoxe, situation qui porte un grand préjudice et dommage au lien de paix au sein du plérôme de l’Église orthodoxe et de son témoignage dans le monde d’aujourd’hui.

Par conséquent, et étant donné la nécessité urgente de prévenir une plus grande détérioration de cette crise, les deux patriarches, serbe et antiochien, en appellent à leur frère, sa Toute-Sainteté le patriarche œcuménique, pour reprendre le dialogue fraternel avec l’Église orthodoxe russe afin de résoudre le différend entre les deux patriarcats de Constantinople et de Moscou, avec l’assistance et la participation de tous les primats des Églises orthodoxes locales autocéphales, et de rétablir le lien de paix au sein du plérôme de l’Église orthodoxe.

Sa Béatitude patriarche Irénée              Sa Béatitude patriarche d’Antioche Jean X

Source: Orthodoxie.com